Con vaincu

Pour éviter les poncifs habituels sur l’Europe, parlons plutôt des différentes organisations non-élues qui, par différentes actions ciblées, tentent d’infléchir la politique générale et les votes pour leurs propres intérêts, ou pour ceux de leurs mandataires. On les appelle généralement groupes de pression, ou lobbies.

Si vous avez déjà testé la chose, vous conviendrez que pour un citoyen ordinaire il est très compliqué de parler de ses doléances à son député, pourtant élu de la république censé représenter les habitants de sa circonscription.

Au parlement européen, la chose est encore plus ardue : il vous faudrait une accréditation, et une raison légitime de représentation. En tant que simples individus, les sans-dents ne sont pas les bienvenus.

Par contre, les groupes de pression sont accueillis à bras ouverts. Pour rétablir une vision exacte des choses, citons simplement le chiffre officiel : 6 601 lobbies enregistrés et accrédités. La liste de ces organisations est disponible à cette adresse : http://ec.europa.eu/transparencyregister/public/consultation/listlobbyists.do?locale=fr, soi

Parmi l’ensemble de ces organisations, certaines sont pour le moins anecdotiques, alors que d’autres sont très puissantes. Les lobbies liés aux médicaments, aux OGM, au tabac, à l’agro-alimentaire et aux ressources énergétiques possèdent des moyens qui se chiffrent en millions d’euros. A ce titre, ils ont colonisé l’ensemble des immeubles autour du parlement de Bruxelles, et emploient, toujours à Bruxelles, plus de 30 000 personnes pour défendre leurs intérêts financiers. Nous somme ici bien loin du simple rôle de conseil auquel l’ensemble des intéressés souhaiterait nous faire croire.

Et alors, me direz-vous, quel rapport avec les orientations des votes du parlement ? Certaines collusions ne sont pas restées dans l’ombre, vus l’importance des enjeux, mais la plupart des actions des lobbyistes se font dans la plus grande opacité, afin d’éviter les questions gênantes. Malgré tout, nous pouvons citer ici plusieurs cas avérés et prouvés, qui n’ont pourtant pas eu de retentissement dans notre « presse libre ».

 Ces cas sont répertoriés par le CEO (Corporate Europe Observatory), sous la forme d’un petit fascicule touristique, qui montre avec un certain humour les emplacements clés des groupes de pression, ainsi que leurs actions récentes, le tout dans la langue de Shakespeare. Edifiant. Lien : http://corporateeurope.org/sites/default/files/publications/ceolobbylow.pdf

Le CEO est un observatoire indépendant, à but non lucratif, qui fait de la recherche et mène des campagnes sur les menaces que fait peser le pouvoir économique et politique des grandes entreprises et leurs lobbies sur la démocratie, l'équité, la justice sociale et l'environnement.

En 2013 le CEO a publié un rapport sur les conflits d’intérêts au sein de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, qui établit que 60 % des 209 experts qui la composent sont en situation de conflit d'intérêts, ayant été rémunérés par l'industrie agroalimentaire.

Je ne fais pas de pub au CEO, mais c’est à l’heure actuelle le seul interlocuteur sérieux quand on discute des lobbies.

Cadeaux d’affaire, séminaires dans les tropiques, fonds occultes, chantages à l’emploi, tous les moyens sont bons pour « convaincre » nos chers élus européens. Et au vu de l’orientation économique globale du parlement, il semblerait  que beaucoup d’entre eux se soient laissé convaincre sans trop de difficultés…