Bombinettes

Il existe, de par le monde, nombre de personnes de grande qualité, dont l’intelligence et la probité ne sauraient être remises en cause. Je ne souhaite pas m’adresser à ces braves gens,  car la malhonnêteté fondamentale de mon propos ne saurait souffrir d’aucune objectivité de bon aloi.

Dans un monde imparfait, où l’utopie n’est plus qu’un concept relatif et suranné et où la voix de la raison n’est plus celle du bon sens, la remise en question de certains dogmes relève de l’absurdité abstraite.

En évitant de tomber dans une logique surfaite, je me pose des questions qui sont censées m’éclairer sur les tendances du monde. Pour illustrer ma démarche, imaginons un pays lointain peuplé de tribus éparses, et dont le style de vie ne correspond absolument pas au notre. Un jour, à cause d’une anicroche à la frontière, le pays voisin, lourdement militarisé par les bons soins de l’industrie de l’armement occidentale, décide d’attaquer ces différentes tribus, par le biais de bombardements ciblés (les bombardements non ciblés étant assez peu courants).

C’est à ce moment qu’il convient de faire preuve d’une certaine pitié vis-à-vis des bombardés, afin de pouvoir transférer sur ces pauvres hères nos propres interrogations existentialistes. En voyant approcher une douzaine de missiles exterminateurs,  le chef de la tribu se posera-t-il les bonnes questions ? Ces missiles sont-ils néolibéraux, démocrates ? Prennent-ils en compte le réchauffement climatique, sont-ils biodégradables ? Serait-il possible qu’ils soient porteurs d’une promesse démocratique ?

Las, les réponses improbables feront probablement long feu, et les missiles rempliront leur office meurtrier. Exit la tribu, ses coutumes, son histoire et son avenir.

Heureusement qu’il s’agissait d’une invention, car nous aurions pu éprouver, certes de manière ponctuelle et sur une courte durée, une tristesse empathique pour cette petite portion d’humanité qu’on  assassine.